Je dois rêver. Pourtant je devais m'y attendre. La loi stipule que tout mâle dépassant les 100 kilos est susceptible d'intéresser le Service Alimentation. Cela fait un bail que j'ai dépassé la limite, le Quota. En même temps je n'ai jamais essayé de cacher mes formes, il n'est pas surprenant qu'ils m'aient repéré.
Non, je ne rêve pas, et je mérite de me retrouver dans cet hangar à la lumière blafarde qui me laisse à peine voir les corps de mes congénères. Je devine leurs silhouettes, certaines allongées comme moi au sol, d'autres en position verticale, les bras tendus attachés au dessus de leur tête, les jambes tantôt fléchies, tantôt pendantes au dessus du sol. Pour ceux-ci, en élévation forcée, l'attente doit être terrible, leur poids soutenu par leurs poignets seuls, ne pouvant soulager du bout des orteils l'étirement de leurs membres supérieurs. Un truc enfoncée dans leur bouche amortie leurs gémissements; une douce mélodie emplit le vaste volume de cet hangar aux parois métalliques ondulées, dont le sol est de la terre battue pleine de petits cailloux qui pénètrent dans mes fesses à travers mon pantalon. Il fait chaud et l'odeur est celle de plusieurs centaines d'aisselles, bourrée de phéromones. Une odeur poivrée étonnement agréable malgré sa force.
Tous ces pauvres gars ont dépassé le Quota. 100 kg, ce n'est pourtant pas si terrible. La propagande parle de disgrâce, de crime de laisser-aller, de manque d'auto-contrôle. Nous serions tous devenus de mauvais citoyens parce que nous sortirions des canons de beauté et par conséquent de la respectabilité. Je n'en crois rien. On ne nous collectionnerait pas avec autant de ferveur. Le public raffole de cet ostracisme, les émissions de la télévision portant sur les kidnappings en directe de mecs comme moi font un carton. Un tel voyeurisme correspond j'en suis convaincu à une fascination pour nos corps. Les gens nous trouvent beaux, et ils souhaitent posséder cette beauté jusqu'à plus faim.
Et je suis heureux de leur donner bientôt autant de plaisir.
Ils m'ont endormis une fois embarqué dans le camion. Une piqûre dans la cuisse, à côté de mes organes génitaux. Il paraît que parfois ils enfoncent l'aiguille en plein dans l'entre-jambe, lorsque le renflement les excitent particulièrement. Je me suis bien débattu, je sais bouger mes 110 kg avec beaucoup de facilité: mes jambes sont particulièrement musclées, mes fesses énormes et mes reins bourrés de vitalité. Ils ont tout de suite menottés les bras dans mon dos, échappant à mes uppercuts et autres frappes savantes de mes paluches de grizzli. Mes longues séances de boxe dans le secret des gymnases clandestins ne m'auront donc pas servi. Je me suis préparé en vain à cette instant majeur de ma courte vie d'homme de boucherie, je n'avais aucune chance d'en réchapper.
Ils étaient à 5 contre un, armés de gourdins en caoutchouc et de pistolets Taser, presque routiniers avec leur vingtaine d'enlèvements quotidiens. Des bâtards larges comme des montagnes qui finiront un jour comme nous, vu qu'ils dépassent largement le Quota, mais qui goûtent une sorte de sursis proche du nirvana, traités comme des dieux, adulés du public, vénérés comme des veaux d'or aux muscles hypertrophiée, scientifiquement entretenus. Les laboratoires médicaux les recrutent du reste si jeunes que l'on peut douter qu'ils fassent encore partie du genre humain.
Je ne sais pas combien de temps a duré le transport; le camion était presque plein lorsqu'ils m'ont hissé dedans. Une quinzaine d'hommes, alignés sur un des cotés du véhicules, plus ou moins superposés avec les membres qui s'entremêlent, allongés sur le plancher sur le dos ou sur le ventre. Ils ont dû rapidement fermer le haillon après ma piqûre et repartir chasser car il restait encore un peu de place. Je ne me souviens plus que de mon visage s'écrasant contre le sein d'un homme corpulent à la chair ferme, portant un parfum sucré et une chemise en coton épais.
La lumière dans le hangar vient de toutes petites fenêtres longeant le bord du toit. Il m'est impossible de me repérer dans le temps. Soit le temps est nuageux, soit le soleil est bas à l'horizon. Il fait chaud mais je devine un système de chauffage. Ils prennent soin de nous malgré tout. Nous devons terminer nos jours en bonne santé. Je m'attend à de nouvelles piqûres: les laboratoires sont très strictes sur la santé. Bien que nous soyons choisis pour notre excellente condition physique, ils ne feront pas l'économie d'une petite dose d'antibiotiques vitaminés. Cela frise l'obsession chez eux. Toute nourriture doit respecter un certain carnet des charges.
Quelle effet cela me fait-il de vivre mes derniers jours? J'ai un peu honte de l'avouer, mais je bande. Je vais être mangé, et donc apprécié par des dizaines de palais, de langues et d'estomacs. Des gens vont choisir ma viande, mes organes, les acheter et les cuisiner. Et je le sais depuis que j'ai 15 ans, date à laquelle j'ai commencé à prendre du poids. Quand je regardais mon corps dans la glace, ce corps étranger, inconnu, je le savais appartenir à la communauté, croissant pour le bien de l'humanité, pour sa sustentation. La télévision le répétait à l'envie dès ma plus tendre enfance: grossir était indigne des hommes, seuls les porcs engraissaient. Les premières émissions de télé-réalité avec les enlèvements en directe ont suivit peu après, j'avais 10 ans. Nous nous moquions alors dans la cours de récréation des garçons un peu enveloppés, et nos rires montaient en intensité à mesure que leur terreur grandissaient. Je les prie en pitié d'abord, et puis j'ai eu envie d'appartenir à leur clan, au début de ma puberté, non pour être la risée des autres, des dominants bien en règle, mais pour partager leur terreur de proie, qui semblait si forte qu'elle donnait tout d'un coup un véritable sens à l'existence. J'ai prie goût à ce danger, et à la pulsion de mort. A 15 ans, c'est avec délectation que j'observais le développement de mes pectoraux, de mon ventre, de mes muscles fessiers et mes cuisses, et de mes couilles. Mon visage conservait son côté poupon contrairement à mes camarade qui s'affinaient, mon cou forcissait, et ce fut avec un frisson de plaisir que j'entendis ma mère se plaindre à mon père que j'avais hérité du cou de taureau de mon arrière grand-père quand j'eus atteint ma majorité. Il avait sauté trois générations, mais le taureau était enfin de retour.
Un taureau qui fera bientôt partie de la ménagerie sur-médiatisée des jeux de l'arène.
Ce passage programmé sur le petit écran participe bien sûr à mon excitation. Je vais être pendant quelques instants un héros, une star diront certains, une victime très certainement, exhibée aux yeux de millions d'inconnus, qui saliveront et se masturberont sur ma forme extérieure mise à nu. De mon identité ils ne feront aucun cas, ils ne me considéreront même pas comme un être humain: je ne serai qu'un énorme morceau de viande. Et je leur ai préparé un plat de résistance avec tout mon amour.
Il y a 1 an environs, j'ai décidé de franchir la limite supérieure de ce que les autorités nomment le Quota, après une décennie d'efforts drastiques pour demeurer dans la communauté des consommateurs. Mais maintenant je suis à point: j'ai 31 ans, je suis au mieux de ma forme, et mes formes sont succulentes. Me voici, cher public, cher public dévoreur et insatiable, vous pouvez vous délecter de mon sang et de ma chair. J'ai consommé moi-même les meilleurs viandes et en quantités excessives. Vous ne pourrez jamais faire mieux que moi.
-Qu'y a-t-il de drôle? Franchement!
C'est un type sur la gauche qui me parle. Tous n'ont pas de truc dans la cavité buccale visiblement. En tout cas pas celui-là. Je sens qu'il va me faire chier cet abruti. Si j'ai envie de rire, je rirai.
-Cinglé! On va tous creuver! Et toi tu ris?!?
Je trouve son indignation risible, oui, et avec ce truc dans la bouche, une sorte de boule en caoutchouc entouré d'une feutrine comme une balle de tennis, je ne peux rien faire d'autre que lui signifier symboliquement mon hilarité.
-Connard!
Je lance un dernier rire étouffé, et je m'attarde sur sa silhouette. Taille moyenne, un ventre important, des jambes courtes et épaisses. J'arrive à distinguer un petit nez en trompette dans un visage qui s'enfonce dans des épaules larges. Ce type a dû rester longtemps caché pour avoir échappé au Service Alimentation. Il se tourne vers moi, je ne vois plus son petit nez en trompette.
-Ils ont oublié de me foutre un ball gag. Ils sont tellement débordés en ce moment...
Ce mec semble connaître les ficelles, à croire qu'il a travaillé dans le service. Un ancien bourreau devenu victime?
Il bouge sur le côté, me tournant légèrement le dos. Je peux voir la courbe de ses fesses bien rebondies, et ses mains immobilisées dans son dos avec une sorte de menottes métalliques reliées par une chaine à un anneau fixé au mur. Le même système d'attache que pour moi je suppose, et que tous les autres gars allongés à terre. Dans cette partie du bâtiment, nous sommes, je dirais, une cinquantaines de mecs allongés ou assis contre le mur qui forme comme une alcôve en U assez grande. Au centre de cet espace il y a un vide avec cependant une dizaine de mecs debout attachés à une poutre métallique. Sur ma droite l'alcôve s'ouvre sur un espace beaucoup plus grand, le hangar proprement dit où se trouve le plus gros des troupes, attachées à d'autres poutres métalliques dans cette position inconfortable. Le bruit de fond des gémissements vient essentiellement de cette foule compacte de prisonniers debout, ou suspendus pour les moins chanceux, sans qu'on sache exactement quels individus émettent les sons. Tant de corps accumulés viennent illustrer les derniers propos de mon voisin bavard. J'ai entendu parlé comme tout le monde de la croissance de la demande mondiale en chair humaine. L'offre semble suivre. Devant moi, je distingue environs 300 corps mais la salle se prolonge bien plus loin dans l'obscurité. J'ai un peu le vertige.
Je reporte mon attention sur mes voisins les plus proches. Malgré la faible lumière je distingue leurs vêtements , et leur variété confirme les menaces proférées chaque jour par le gouvernement: tout un chacun peut se transformer en gibier, quelque soit son origine sociale. Cependant, j'ai toujours soupçonné l'existence d'une protection de fait de certains individus appartenant à la classe dirigeante. Sur ma gauche, j'imagine que l'homme en costume trois pièces cravate, chemise blanche tendue sur son gros ventre, appartenait à la classe des cadres, mais il ne devait certainement pas paraître indispensable à la pérennité de son entreprise. Ou alors il s'agit d'un patron qui a déplu à un ponte de la Capitale lors d'un gueuleton dans un restaurant 5 étoiles. Nos dirigeants ont convaincu le peuple de la nécessité de cette chasse ignoble pour garantir la stagnation de la population mondiale, dans le respect cependant du droit à la reproduction. La surcharge pondérale est prohibée tout autant que l'avortement ou l'utilisation de la pilule contraceptive, grâce à l'influence conjuguée du Conseil Ecclésiastique, des médias au mains des laboratoires pharmaceutiques et des dirigeants politiques possédant les rênes du commerce alimentaire. Le peuple est autorisé à fabriquer des bébés à tout va, mais il faut s'attendre à perdre la vie dès lors que l'on abuse de la nourriture. J'ai très vite trouvé ce paradoxe autour du plaisir charnel comme une clef de la paix sociale, et ce point de vue est partagé apparemment par une grande majorité de mes concitoyens.
- Ils pensent être les plus forts du hauts de leur gratte-ciels, mais un jour, ils mordront la poussière, crois-moi.
Sa voix est calme, chaude, grave. Elle fait un contrepoint avec les cris étouffés en continu sur la droite. Une musique stéréophonique. Soudain un gémissement énervé jailli un peu plus loin, derrière l'homme sans ball gag. Une silhouette se trémousse, et lance un cris rageur. Nous sommes donc trois à être éveillés pour le moins. Mais notre impuissance à tous est humiliante, et le sommeil notre sort le plus enviable.
-Ne me dis pas que tu trouves ça NORMAL de te retrouver là, hein?
Je savais qu'il allait m'emmerder celui-là. Je me détourne ostensiblement de lui, tandis que le troisième larron grogne. Ces deux hommes ont le goût de la révolte en commun. C'est bien mes p'tits gars, vous serez pour vos bourreaux d'autant plus excitants.
Wednesday, April 1, 2009
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I tried to use google translation to read your writing, I think it is a good story, for long time I haven't read a cannibal story about fat men, I am hungry....:)))
ReplyDeleteplease keep on writing!
Thank you Victor. i hope to keep going on with this story indeed. sory not to be able to translate it myself: too long! But google is a good alternative, i think.
ReplyDeleteI used to read a lot fat men cannibal stories by Yagov Sangria, probably you knew him already, just in case you didn't know, so here you go: http://www.blackplague.org/yagov/PAGE2/PAGE2.htm
ReplyDeleteI will come back often to your blog to check updates, cheers.